mercredi 13 juin 2007

TVA Bonheur

Le premier ministre, M. Fion, tient à nous faire savoir que sa brillante idée de TVA-sociale devrait plutôt être nommée «TVA-anti-délocalisations».

Voici le concept : les charges sociales (qui pèsent insupportablement sur nos entreprises) seront allégées et remplacées par une TVA qui devrait rapporter un montant équivalent, affecté aux mêmes postes budgétaires. Voyant leur fardeau s'alléger, les entreprises pourront baisser leurs prix, de sorte que l'opération sera insensible pour le concommateur français, tandis que leurs exportations seront favorisées. Du même coup, les produits importés, eux-aussi soumis à la TVA-sociale, seront défavorisés sur le marché français, Cocorico. Ce scénario idyllique a fait dire à Guy Carlier ce matin qu'on devrait plutôt l'appeler la TVA - contre - ces - enfoirés - de - chinois - qui - nous - balancent - leurs - produits - de - merde - fabriqués - par - des - enfants - et - tous - ceux - qui - sont - contre - sont - des - mauvais - français. Et Laurence Parisot s'est réjoui in peto en ces termes : «faire payer nos charges sociales par tous les français, on n'avait pas osé le demander». Bref, tout va bien.

Toutefois, trois questions se posent :

- Est-ce faire preuve de mauvais esprit que d'imaginer que nos chères entreprises pourraient profiter de ce cadeau pour simplement accroître leurs bénéfices sans baisser leurs prix, voire même pour se payer un plan social et délocaliser parce que TVA-sociale ou pas, la Chine, c'est bien plus intéressant ?

- Est-ce faire preuve d'un esprit particulièrement retors que d'imaginer que les exonérations de charges sur les entreprises du luxe par exemple pourraient être compensées par une TVA sur des produits classiques ? Rien ne dit que la répartition des recettes de ce dispositif sera la même qu'avant, et on pourrait envisager que les plus pauvres seront encore les dindons de la farce, tant une baisse des prix ou une hausse des salaires semblent peu probables.

- Est-ce faire preuve d'un comportement dangereux et révolutionnaire que de pousser le raisonnement jusqu'à son terme et conclure que la libéralisation mondiale des échanges n'amène que du dumping social à l'échelle mondiale et qu'il vaudrait mieux y renoncer, ou (folle utopie) exiger des droits du travail acceptables et appliqués dans tous les pays du monde ?


Question subsidiaire : Est-ce que ces chantres du libéralisme et de la concurrence libre et non faussée ne se contredisent pas lorsqu'ils cherchent par tous les moyens à faire du protectionnisme qui n'ose pas dire son nom ? Seraient-ils de vils hypocrites ?


Post-Scriptum : Le Goulag manque de place mais est disposé à libérer de l'espace pour accueillir le génial communiquant qui a trouvé le nom de «TVA sociale».
Qualifier de «sociale» l'augmentation de l'impôt le plus anti-social et inégal qui soit (puisque son niveau de prélèvement décroit avec l'augmentation des revenus) méritait bien cette récompense.

6 commentaires:

coco_des_bois a dit…

Débat idiot ce matin entre l'infect et puant J Marseille et un mec lié au PS, qui faisait remarquer à plusieurs reprises que cette TVA est honteuse au moment où on offre plus de 20 milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches... Marseille n'a jamais répondu sur ce point, je plains les élèves qui doivent le supporter à la fac !

Mais commment les gens qui ont à peine le smic en France peuvent-ils encore croire qu'une quelconque mesure prise par la droite (UMP ou PS) est prise dans leur interêt ? ou celui de l'avenir ? de l'environnement ?

... ah cessez donc, je m'étouffe de rire

Mais tu pointe un élément crucial, à l'exemple des USA, on libéralise ce qui rapporte et on verrouille si besoin, la concurrence n'existe pas à grande échelle pour les libéraux, c'est un mythe pour enfants.

Seb Font' président (je commence ma campagne tôt, je sais)

vlg a dit…

Remets-toi de tes émotions, Coco-des-bois, car tu n'as pas fini de rire, je le crains...

Pour plus d'infos sur cette TVA du Bonheur, recommandons la lecture de cet entretien de Xavier Timbeau sur lemonde.fr : "Avec la TVA sociale, il y a bien une perte de pouvoir d'achat".

Extraits :
- la TVA sociale conduit bien à prendre du pouvoir d'achat au consommateur, car il va payer plus cher les produits importés, pour favoriser la compétitivité des entreprises.
=> Ça parait logique. Cet argument a-t-il pu échapper au grand professeur Jacques Marseille ?

- Quand un pays la fait, il gagne en compétitivité, mais la contrepartie automatique, c'est que ses voisins perdent en compétitivité. C'est un jeu à somme nulle.
Donc c'est tout le débat autour de la TVA sociale : doit-on la faire parce que les Allemands l'ont fait, pour regagner la compétitivité qu'ils ont gagnée sur nous ?
Et les avantages de cette TVA sociale ne seront-ils pas perdus quand les Espagnols ou les Italiens feront pareil ?

MC a dit…

Effectivement une excellente analyse...

MC a dit…

Sur ton post-scriptum : c'est un peu comme l'expression "plan social" : où le licenciement massif devient un acte de résistance courageux du patron assommé par les "charges" sociales...

MOUAHAHAHAH

coco_des_bois a dit…

Ouais, il mérite le titre d'überconnard du collègue CSP !

t0pol a dit…

@coco des bois => c'est Piketty.


Pour une fois le Monde contient du contenu interressant.
On veut nous faire croire que les entreprises sont devenus philanthropes ?

Tout ça est un choix de société et on va encore nous ressortir la theorie du ruissèlement pour justifier la baisse des impôts pour les plus riches.

Ces bouffons là ne sont même pas des libéraux : c'est dire..