« Ce n'est pas parce qu'on est pauvre, exclu, discriminé, que l'on peut saccager.»
a dit Fadela Amara (qui fait la pute soumise auprès de l'ancien ministre de la police). Elle a cru bon d'ajouter «
ceux qui disent cela sont irresponsables».
Démontons cet argument fallacieux en trois points.
1) Tant qu'on y est, ce n'est pas parce que deux jeunes roulent sans casque qu'on peut les écraser.
Et ce n'est pas parce qu'un homme est noir et fraude dans le métro qu'on peut le tabasser.
Il serait bon qu'elle le rappelle aussi.
Or, ce sont les mêmes qui vous disent qu'il est intolérable de brûler des bagnoles quand bien même on serait pauvre, qui vous justifient en général le comportement immoral de la police par l'infraction commise par la victime de la bavure. Un peu de cohérence, que diable !
2) Personne ne dit ça.Personne n'a jamais dit non plus «il est normal de frauder dans le métro» ou «il est normal d'être pédophile» [1]. C'est une technique typiquement sarkozyste que d'attribuer à ses contradicteurs des énormités pour ensuite s'incrire en faux, se parant ainsi d'une vertu auréolée de bon sens.
Le résultat : si vous n'êtes pas d'accord avec le gouvernement, c'est que vous êtes probablement un immigré clandestin pédophile, fraudeur[2] et émeutier. C'est un peu pénible, voire insultant.
3) Il ne faut pas confondre "explication" et "excuse".Il y a des émeutes, des violences urbaines, il doit bien y avoir des raisons à ce phénomène. Dire «La pauvreté favorise l'émergence des violences urbaines» est une tentative d'explication du phénomène global, mais en aucun cas un jugement moral d'un comportement individuel.
Ceux qui brûlent des gymnases ou des bus sont des petits cons, et tout le monde condamne ces actes. Mais pourquoi ce genre de bétise est commis généralement dans les banlieues, et pas à Neuilly ?
Pourquoi les ados des quartiers défavorisés zonent dans des halls d'immeubles et roulent sans casque sur des mini-motos alors que ceux du seizième arrondissement de Paris prennent des cours de piano et jouent sur des courts de tennis ? Voilà des questions intéressantes.
À votre avis, est-ce dû à leur patrimoine génétique ou au patrimoine financier de leurs parents ? Est-ce dû à la différence de couleur de peau ou à la différence d'environnement urbain ?
Il est clair que la misère, l'absence d'occupation, l'entassement dans des barres d'immeubles désertées de tout commerce et tout service public, cela favorise la possibilité de sombrer dans la petite délinquence, voire la grande.
Naturellement, c'est mal.
Évidemment, personne ne devrait le faire.
Mais faut-il s'étonner qu'une plus grande proportion d'ados basculent du côté obscur (bien plus puissant il est, regarde comment le dealer avec sa BM grave se la pête) dans de telles conditions qu'au pays des bisounours ? Faut-il s'étonner que personne n'ait la rage contre la société parmis ceux qui la dominent et en jouissent, et beaucoup parmis ceux qui en sont exclus ?
Quand on est ministre de la ville ou de l'intérieur, ne pas rechercher les causes des émeutes en procédant d'une démarche scientifique pour déterminer quels paramètres favorisent ces phémonènes de société (cette science s'appelle la sociologie), c'est tout simplement irresponsable.
Pire, en niant que la pauvreté et l'exclusion pourraient être la source de ces phénomènes (il ne s'agit pas, répêtons-le, d'excuser les comportements individuels), Fadela Amara et ses copains accréditent en creux l'idée que l'explication pourrait bien être l'autre choix évoqué ci-dessus : la couleur de peau des individus, dont on se souvient qu'ils ont été qualifiés de musulmans polygames lors des émeutes d'il y a deux ans. Ce n'est plus seulement irresponsable, ici, c'est gravissime.
Il est urgent de rétablir la distinction entre «explication» (lien de cause à effet, toujours intéressant à connaître, absolument neutre d'un point de vue moral) et «excuse» (qui relève du jugement moral).
Les gens de droite ignorent (plus ou moins sciemment) cette distinction, et méprisent la sociologie car les explications qu'elle fournit sont parfois dérangeantes, et il est beaucoup plus facile de condamner les comportements déviants sans chercher à les comprendre.
C'est mal. Ça mérite une rééducation par nos soins en Sibérie.
Voilà ce qu'il vous faudra répondre à votre beauf Kevin qui vous dira au réveillon qu'il n'y a pas à chercher des excuses à ces petits cons qui cassent des arrêts de bus, qu'il n'y a qu'à leur envoyer l'armée, et que s'ils n'aiment pas la France, qu'ils ne se gênent pas pour la quitter.
[1] Sarko avait demandé durant la campagne présidentielle «
Qui peut me dire que c'est normal d'avoir envie de violer un petit garçon de trois ans ? » Question stupide s'il en est. Lire
ce billet, où vous trouverez aussi des arguments complémentaires.
[2] «Si certains sont du côté des fraudeurs, moi je suis du côté de tous ces honnêtes gens» (
rappel). Sous entendu implicite : les autres candidats et leurs supporters sont des fraudeurs malhonnêtes (à l'inverse d'Alain Juppé ou Patrick Balkany par ex).
PS : On recommande aussi vivement la lecture de
ce billet de CSP sur Fadela Amara et sa déclaration ignoble.
PS2: Indispensable aussi :
ce billet du camarade Fontenelle qui fracasse proprement ceux qui nous martèlent que
"Quand on commence à expliquer l’inexplicable, c’est qu’on s’apprête à excuser l’inexcusable". Les cons.
de jeunes sauvageons détruisant sauvagement une voiture de police à coup de batte de base-ball (
).