C'est en tout cas ce que nous laisse croire cet
article de
Pierre-Yves Geoffard (1) sur libération, repris chez
Éconoclaste et chez
Éolas.
Pour résumer l'article, certaines stations de vélib à Paris sont pleines, obligeant les usagers à en chercher une autre pour déposer leur vélo, ce qui prend du temps et éloigne de la destination. De même, certaines stations sont vides, ce qui oblige les usagers à chercher des stations avec des vélos, ce qui prend du temps aussi.
Ce type est un mollah du marché, et donc, bien entendu, il couine que c'est la faute de la planification centralisée qui fonctionne -par définition- mal et que seul le libre marché, via un système de prix variables selon le remplissage des stations résoudrait le problème. En gros, lorsque l'on prend un vélib dans une station vide, on paye plus cher que dans une station pleine et vice-versa quand on le rend.
Remarquons tout d'abord l'emploi récurent de
«centralisation»,
«régulation»,
«planification», histoire de rappeler finement la bonne vielle époque de l'URSS et des plans quinquennaux. Le vélib, c'est Staline plus la bicyclette.
Répondons maintenant à la plus grosse des imbécillités proférées par ce pompeux personnage :
Vous allez voir, ce n'est pas très compliqué, vous posez la question à un enfant de 5 ans et il vous soulève le problème.
Peut-être bien que si une station A est remplie de vélib tandis que la station B est vide, c'est parce que les gens devaient aller vers la station A, et qu'ils sont partis de la station B, non ?
Alors dans ce cas,
qui va donc bien aller de la station A à la station B, même à un prix bas ? Lorsque vous allez de chez vous (station B) à votre boulot (station A), est-ce que qu'une fois arrivé, vous allez repartir immédiatement chez vous rien que parce le prix est plus bas qu'à l'aller ?
C'est évident, hein ? Pourtant ce grand savant n'y réfléchit pas une seule seconde.
De la même manière, il soulève le fait que les gens prennent les vélos en haut des collines pour descendre, mais ne les remontent pas. C'est normal, c'est bien plus fatiguant.
Mais en quoi le fait de payer plus cher si on laisse son vélo en bas de la côte va résoudre le problème ? Ce phare de la pensée (unique) ne se rend même pas compte que si les gens n'utilisent pas le vélib, ils se débrouillent quand même pour monter en haut de la colline (à pied, en voiture, en métro, que sais-je).
Qui va donc se taper la côte alors qu'il dispose déjà d'une solution pour éviter de le faire en vélo ? Il faudrait que les prix connaissent des différences folles pour imaginer qu'un type va pédaler 15 mn de plus en monté au lieu de laisser son vélo en bas. Et dans ce cas, qui va s'emmerder à prendre un vélib, alors qu'il dispose déjà d'une solution qu'il préfère pour se déplacer dans un sens ? C'est évident : si le vélib est trop cher, l'usager va utiliser la même solution pour se déplacer dans l'autre sens.
Mais alors peut être que Pierre-Yves Geoffard pense t-il à rémunérer les gens qui déposeraient leur vélo en haut des pentes ? Voilà une source nouvelle d'emploi ! Mais est-elle différente, et surtout, pour ce genre d'économiste, serait-elle plus rentable et efficace que la solution actuelle qui consiste à utiliser des véhicules motorisés ? Solution dont le distingué économiste se gausse lourdement.
On remarquera en passant que ce type est un fanatique donc pour lui :
problème = planification,
solution = libre marché.
Par contre, un type normal aurait pu penser comme solution à augmenter le nombre de places dans les stations ou le nombre de vélibs, là ou l'expérience montre que cela est nécessaire.
On peut aussi penser qu'utiliser quelques voitures pour transporter les vélos là où il le faut est un prix acceptable.
On peut aussi se dire que ce qui pose problème, c'est l'absence d'information en temps réel sur la disponibilité des vélos et des places disponibles (solution technique probablement trop chère).
Mais non. Pour lui la seule solution c'est la variabilités des prix et l'offre et la demande.
Un truc qui est marrant aussi, de la part d'un dévot de la performance et de la rentabilité, c'est qu'à aucun moment il ne se pose des questions sur la faisabilité technique et le coût de sa solution. Comment les gens pourront-ils bien connaître le taux de remplissage des stations ? Comment pourront-ils faire des choix "rationnels" dans ce cas ? Sans cette connaissance, ils se retrouveront exactement dans la même situation qu'actuellement, en allant à une station sans savoir si il pourront l'utiliser.
Mais le pire, et là on mesure que la nullité de l'auteur dépasse sa mauvaise foi, c'est il y a
déjà un prix à payer à ces problèmes de remplissage des station. Et l'auteur,
bien qu'il en parle, ne s'en rend même pas compte : ce prix, c'est le temps perdu et la gêne occasionnée par le fait de devoir trouver une autre place, plus éloignée de son lieu de destination.
Sauf que bien sûr ce prix est identique que l'on soit riche ou pauvre. Alors que faire des prix différents selon la fréquentation des sites, arrangerait les riches qui peuvent se permettre de dépenser plus. On comprend alors pourquoi le «libre» marché a tant de vertus...
Avant de conclure, ouvrons une parenthèse et posons une question qui turlupine le politburo depuis quelques années déjà : pourquoi donc les ayatollahs du libre marché ne sont-ils scandalisés par la planification centralisée que lorsque qu'elle concerne la politique de gestion publique ?
Pourquoi ne les entendons-nous jamais critiquer ces repères de la planification centrale que sont les entreprises ? Quand en avez-vous entendu un dire
« la planification centralisé des horaires des caissières de supermarché, ça suffit ! Il faut qu'elles puissent venir travailler quand bon leur semble. » ? Quand donc un d'entre eux s'est il exclamé
À bas la planification centralisé des salaires, il faut que chaque travailleur puisse en décider son montant ! » Ils sont pourtant rarement avares en mantras sur le marché et l'économie !
C'est à ce genre de contradictions que l'on mesure l'impartialité de leur travail et la nullité de leur prétention.
Bon finissons-en. Vous commencez à connaitre le refrain : où donc allons-nous mettre ces jean-foutres d'«économistes» ?
(1) Tenez-vous bien, il semble que ce type enseigne à l'ENS.