mardi 15 janvier 2008

Dati - Lombroso : même combat

Les camarades de Vive-la-France nous signalent une intervention intéressante d'Élisabeth Guigou à l'Assemblée Nationale (où l'on apprend qu'il y aurait donc des députés socialistes, qui parfois réagiraient aux ignominies préparées par notre gouvernement). C'était lors de l'examen de la loi de Rachida Dati qui «instaure des centres de rétention dans lesquels les criminels les plus dangereux pourraient continuer à être enfermés après avoir fini de purger leur peine», raconte Le Figaro. Le politburo tique, relit cette phrase, et s'interroge : quelqu'un qui a fini de purger la peine que lui a assignée la justice ne doit-il pas être libéré, par définition ? Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Guigou aussi est interloquée, mais en plus elle a des références :
« vous tournez le dos à Beccaria nourri de la philosophie des Lumières, vous choisissez Lombroso et son "homme criminel" »
Pour l'alphabétisation des masses qui nous lisent, précisons que Cesare Beccaria, un italien de la fin du XVIIIe siècle, est l'auteur d'un ouvrage qui préconise pour la première fois de proportionner la peine au délit commis ; cette philosophie est la base du droit actuel (sauf la loi sur la récidive de la même Dati, avec ses peines plancher automatiques).

Cesare Lombroso, un italien des années 1900, prétendait identifier les criminels par la forme de leur crâne, après des analyses statistiques poussées (jusqu'au ridicule) sur la morphologie de la boite crâniène de plein de gens ; selon cette façon de voir, ceux qui ont une face de brute sont intrinsèquement des assassins «nés pour faire le mal», et on en déduit fort logiquement qu'ils sont incurables, irrécupérables, et qu'il vaut mieux «les éliminer complètement». Ce qui fut appliqué quelques 40 ans plus tard...

( Et Cesar Jules, un italien des années -50, a pris le pouvoir après avoir été élu dans les règles, a aboli la République, a passé Noël en Égypte avec sa jolie compagne, et est devenu complètement mégalomane avant de se faire assassiner. Mais nous nous égarons... )

Guigou se permet de rappeler l'Histoire à Dati et au rapporteur du projet de loi :
« Or, vous le savez, c'est cette philosophie positiviste qui a conduit aux pires débordements de l'Allemagne nazie. »

L'UMP s'offusque de ce rapporchement, que Vive-la-France qualifie de point Godwin. Mais Guigou précise pour les mal-comprenants :
« Je ne dis pas que ce texte veut ces dérives, je dis qu'il peut les entraîner. Le gouvernement et la majorité ne mesurent pas la gravité de ce changement de philosophie dans la justice. Ils tournent le dos aux acquis de la Révolution qui veulent qu'on condamne les gens pour ce qu'ils ont fait, pas pour ce qu'ils sont, ni pour ce qu'ils sont susceptibles de faire »

C'est clair.

Si on ajoute à ce projet de loi la suggestion d'enfermer dans des hôpitaux les pédophiles qui ont fini leur peine (au lieu de les soigner pendant), l'intention de détecter les signes de la délinquance dès l'école maternelle, la loi sur la récidive qui instaure des peines plancher automatiques, l'idée que la pédophilie est d'origine génétique, la volonté de «nettoyer le quartier au Kärcher», le «débarasser de la racaille» (c'est-à-dire éliminer complètement les voyous), on voit bien que oui, Sarkozy et ses sbires sont des adeptes de ce taré de Lombroso (comme nous l'avions déjà démontré), ainsi que bon nombre des lecteurs du Figaro.

Et c'est grave.

Ce n'est pas un simple projet de loi, c'est un changement de philosophie de la justice, dont il faut que nous soyons bien conscients.

Il fallait que quelqu'un rappelle où ça peut mener avant que ces centres de rétention ne soient rebaptisés, par exemple, "camps" ou "goulags".

3 commentaires:

Your Dog a dit…

Mille fois d'accord
C'est décourageant d'avoir à argumenter sur ce genre de sujets qui relèvent de l'évidence, de voir les mines indignées des UMPistes quand on les traite de néonazis, alors qu'il est de plus en plus manifeste qu'ils en sont

coco_des_bois a dit…

Argumentaire fort bien construit...
Imparable démonstration, et je suis étonné de la cohérence de Guigou, même si je la connais très peu.

Merci pour toutes ces infos, j'ai passé un moment hors du temps, j'essaie de rattrapper mon retard et de lire tout ce que j'ai raté.

Anonyme a dit…

la "cohérence" attribuée à Guigou par coco_des_bois, le 24 janvier 2008 à 05:27, m'étonne quelque peu. Car enfin les positions politiques de Lombroso étaient, à epsilon près : celles de nos socialistes-à-la-française.